La dépression n'est pas une entité homogène. Comment reconnaître alors ses différentes manifestations ? Cet article parle de ses différentes expressions en fonction des individus et de leur contexte de vie.
Un regard global sur la dépression
La dépression est selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la deuxième cause de handicap, et d’après l’INSERM (Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale, 2019), sur une vie entière environ 20% des individus en seront touchés.
Les causes de la dépression sont, comme toutes les maladies, multifactorielles. Les événements de vie (comme une perte, une atteinte physique, des changements ou des évènements stressants), les influences biologiques (comme la vulnérabilité génétique, des changements dans les neurotransmetteurs), les influences sociales (comme des problèmes relationnels ou un faible niveau socio-économique), les influences cognitives et émotionnelles (comme l’émoussement affectif ou la culpabilité), et les influences comportementales (comme l’agitation ou l’apathie), sont autant de facteurs qui s’influencent les uns les autres et peuvent contribuer à la survenue et au maintien d’une dépression.
De la difficulté à identifier certaines dépressions
Le terme de « dépression » est aussi bien utilisé pour parler d’un symptôme que d’un trouble. Ce mot unique décrit des réalités pourtant bien différentes. Dès lors, comment se reconnaître derrière une étiquette qui recouvre des vécus si hétérogènes ?
La dépression n’est en effet pas toujours simple à identifier. Si pour certain·es elle frappe au visage, pour d’autres elle est bien plus discrète, avec la présence de symptômes moins typiques, comme par exemple la tristesse ou l’incapacité à éprouver du plaisir dans des situations qui jadis provoquaient de la joie qui ne sont pas au premier plan des tableaux cliniques.
Car la souffrance, bien qu’universelle dans son expression, diffère dans ses manifestations en fonction des individus. Chacun·e développera des symptômes qui feront sens, en fonction de son histoire de vie.
Selon la variabilité des symptômes propres à chaque personne et l’intensité des manifestations, on peut rencontrer des formes proches de la dépression telle que véhiculée dans les médias ou partagée dans l’imaginaire collectif, mais aussi d’autres qui sont plus atypiques (Pasquier, 2021).
Par exemple ce qu’on appelle la dépression masquée concerne des situations où les symptômes classiques de la dépression ne sont pas prégnants. Elle est surtout marquée par des plaintes somatiques, des douleurs, par l’angoisse ou l’anxiété. Les patient·es qui en souffrent se tournent d’ailleurs majoritairement vers des médecins plutôt que des psychologues.
Mais alors, qu’est-ce que la dépression ?
On peut la définir comme une douleur morale intense et envahissante, quasi permanente, qui peut sembler irréversible. Elle peut même surmonter la douleur physique. On peut y retrouver une inhibition motrice, affective et cognitive, mais aussi un sommeil et un appétit perturbé ainsi qu’une diminution de la libido. Elle est ponctuée d’un sentiment d’incapacité et d’incompétence, de désintérêt, d’une faible estime de soi, de culpabilité et de ruminations.
La dépression peut s’installer insidieusement ou brusquement. Les événements de vie peuvent d’ailleurs jouer un rôle important dans sa survenue, ce qui est moins le cas lorsqu’elle devient chronique. Elle peut être plus ou moins sévère, cela dépendra notamment de la présence d’autres troubles (comme par exemple des addictions), du soutien apporté par l’environnement, de l’isolement de la personne ou de la présence de maladies somatiques.
Pour parler d’un trouble dépressif caractérisé, les symptômes doivent être présents quasiment toute la journée et presque tous les jours. Ils amènent une grande détresse et une altération du fonctionnement social, professionnel, ou dans d’autres domaines importants de la vie de la personne, comme par exemple sa vie familiale.
Les différentes manifestations de la dépression
Si certains symptômes sont typiques comme la fatigue, une perte d’énergie, la diminution de l’aptitude à penser, à se concentrer, l’indécision, la dévalorisation, la culpabilité, le sentiment de vide, de tristesse, la perte de plaisir, d’entrain, et d’intérêt, ainsi que les pensées de mort récurrentes, d’autres varient parfois d’un bout à l’autre du spectre (Agbokou et Allilaire., 2010). En voici quelques exemples :
o L’appétit qui peut augmenter ou a contraire drastiquement diminuer
o Une hausse ou une baisse du poids sans la présence d’un régime particulier
o Le sommeil avec d’un côté une hypersomnie ou de l’autre la présence d’insomnies
o Une agitation ou au contraire un ralentissement psychomoteur
o La présence de pleurs ou une grande irritabilité
Pour illustrer cette variabilité prenons deux patientes souffrant de dépression : elles présenteront toutes les deux une perte de plaisir, d’intérêt et une humeur terne, de la culpabilité et des difficultés à se concentrer. Mais la première dormira énormément, n’arrivera pas à se lever le matin, sera ralentie, maigrira et pleurera beaucoup, alors que la seconde prendra du poids, sera toujours agitée, très irritable et toujours exaspérée, et elle aura beaucoup de difficultés à trouver le sommeil.
La dépression peut aussi s’exprimer différemment en fonction de l’âge de la personne concernée. Une personne âgée pourra ressentir majoritairement de l’ennui, de la culpabilité, l’impression d’être un poids pour son entourage ou la société, de nombreuses somatisations, quand une jeune personne aura plutôt des idées suicidaires, une perte de libido et de l’anhédonie. Un·e adolescent·e pourra lui avoir de nombreuses conduites à risques comme des alcoolisations massives ou des scarifications, et avoir une chute dans ses résultats scolaires ou de l’absentéisme.
L’importance de se faire accompagner
Bien que les traitements médicamenteux peuvent être indiqués pour soigner la dépression, ils ne suffisent pas à eux seuls, et leur efficacité est diminuée s’ils ne sont pas combinés à une psychothérapie. Une prescription médicamenteuse peut s’avérer nécessaire et bénéfique, mais elle n’est jamais anodine et doit faire l’objet d’un suivi rapproché avec le médecin prescripteur pour surveiller l’évolution des symptômes et ajuster si besoin la posologie ou le type de molécule prescrit.
Quel que soit la nature de la dépression, la psychothérapie, lorsque le ou la patiente l’investit, permet de sortir de cette spirale de mal-être et retrouver la vitalité propre à la vie. Soutenue par sa psychothérapeute sur laquelle le ou la patiente peut s’appuyer, un autre chemin lui est alors possible, où vivre prend une saveur nouvelle et où la tristesse parfois abyssale, quand elle est prise dans les bras et bercée, quand une place lui est octroyée, finie par fondre peu à peu sous la chaleur doucement retrouvée.
Astrid Jullien
Psychologue Clinicienne et Psychothérapeute
Thérapeute PBQ
Consultations à Paris et en ligne
Bibliographie :
American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th ed.). https://doi.org/10.1176/appi.books.9780890425596
Agbokou, C. & Allilaire, J. (2010). 4. Dépression de l’adulte. Dans : Michel Goudemand éd., Les états dépressifs (pp. 26-34). Cachan: Lavoisier.
Inserm. (2019). Dépression – Mieux la comprendre pour la guérir durablement.
Organisation Mondiale de la santé.
Pasquier, A. (2021). Psychologie et psychopathologie des émotions. Dunod.
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