Connaissez vous la théorie de l'attachement ? Développée par le psychiatre et psychanalyste John Bowlby, elle permet de donner un éclairage puissant sur notre façon de perçevoir le monde, les autres et nous mêmes.
Dès notre naissance les petits bébés que nous sommes pouvons faire l’expérience de la peur. Cependant nous ne pouvons pas encore nous auto-apaiser car le circuit cérébral qui grâce au cortex permet de réguler notre centre de la terreur - notre alarme intérieur qu’est l’amygdale - n’est pas fonctionnel. Nous avons donc des réactions instinctives et automatiques de stress face au danger mais pour nous apaiser, nous avons nécessairement besoin d’un soutien extérieur.
Ce sont les personnes qui prennent soin de nous, généralement nos parents, qui vont nous permettre de réguler nos émotions : on les appelle nos figures d’attachement. C’est un peu comme si nous n’avions pas d’enveloppe protectrice face à nos propres stimulations internes et à celles extérieures, celles du monde. Nos figures d’attachement font office de seconde peau protectrice. La qualité de notre régulation émotionnelle va donc découler directement de la qualité de la régulation des émotions de nos propres parents (Smith, Steffan, Mann, 2019).
Nos figures d’attachement sont avant tout notre base de sécurité à partir de laquelle nous allons explorer le monde tout en sachant que nous pouvons y retourner si besoin pour nous rassurer et nous ressourcer. L’attachement est ce lien affectif durable que nous avons en tant qu’enfant envers les adultes qui prennent soin de nous. Il se manifeste notamment par des comportements qui nous permettent, surtout dans les moments de peur ou de détresse, de maintenir la proximité ou le contact avec ces adultes (Bolwby, 1969). Nous pouvons avoir une figure d’attachement primaire et d’autres secondaires.
Quand nous vivons des situations stressantes, en fonction des réactions répétitives de notre figure d’attachement nous allons intérioriser une image de nous-même, des autres et du monde : c’est-ce qu’on appelle les Modèles Internes Opérants. Il en découlera des croyances profondes à partir desquelles nous modéliserons notre perception du réel.
Suis-je aimable ? L’autre m’aime-t-iel d’une manière qui est prévisible ou son attention est-t-elle incertaine ? L’autre n’est-iel fiable que lorsqu’iel se tient à distance de moi ? Les relations sont-elles imprévisibles et dangereuses ? Suis-je digne d’être aidé·e ? Les autres sont-iels hostiles ou impuissant·es ? rejetant·e ou intrusif·ves ?
L’attachement est avant tout nécessaire. Les travaux du psychiatre John Bowlby (1979) ont montré qu’il est même plus vital que la nourriture. C’est un besoin primaire, nous sommes « programmé·es » pour nous attacher, pour attirer et maintenir les adultes auprès de nous pour garantir notre survie. Ce lien d’attachement se forme tout au long de nos premières années de vie et il est à différencier de l’amour. Nos parents peuvent nous aimer profondément, et pourtant ne pas être disponibles, ou sensibles à notre égard, pour tout un tas de raisons propres à leur histoire, à leur contexte actuel de vie et à leurs ressources disponibles.
Nos expériences précoces sont ainsi déterminantes puisque c’est d’elles que découlent des mécanismes physiologiques, comportementaux et psychologiques qui nous guideront toute notre vie.
Dans notre petite enfance, dépendant de l’assurance que nous avons acquise à propos de l’habileté de nos parents à nous protéger, nous réconforter et nous consoler nous aurons un certain style d’attachement. Il dessinera notre manière de relationner aux autres et à nous-même en étant adultes.
Bowlby a différencié quatre styles d’attachement aux qualités différentes.
Schématiquement nous pouvons dire que notre attachement est sécure lorsque nous croyons que notre parent peut satisfaire nos besoin et que nous pouvons explorer le monde. Iel est disponible, nous réconforte et nous console en cas de détresse. Iel répond rapidement et d’une manière adéquate lorsque nous avons besoin de soutien ou de protection. Iel est affectueux·se et prend du plaisir à interagir avec nous. Nous, en tant qu’enfant, recherchons un contact physique avec elle/lui. Nous pouvons partir à la découverte de notre environnement et interagir avec elle ou lui à distance. Sa présence nous calme. Ce type d’interaction nous permet d’intérioriser des croyances profondes telles que : mon parent est digne de confiance, je mérite d’être aimé·e et d’avoir mes besoins comblés, mon environnement est un endroit sécure (Guedeney, Tereno, 2021).
Si au contraire nous n’avons pas l’assurance que notre parents sera présent·e et nous protégera en cas de besoin nous développons un attachement insécure.
On parle d’attachement insécure ambivalent-résistant quand nous sommes incertain·es de la capacité de notre parent à répondre à nos besoin. Cela arrive lorsqu’iel a des réactions incohérentes et imprévisibles, parfois sensible et parfois insensible. Iel est parfois réceptif·ve à nos besoins et à d’autres moments les ignore. En tant qu’enfant nous allons donc à la fois chercher le contact avec elle/lui et en même temps l’éviter. Nous allons être perturbé·es lorsqu’iel s’éloigne de nous mais nous nous calmerons difficilement lorsqu’iel reviendra. Nous avons peur de nous éloigner d’elle/lui pour explorer l’environnement.
Par ce type d’interaction, nous pourrons intérioriser des croyances telles que : mon parent est imprévisible, parfois affectueux·se, parfois hostile, je ne peux pas m’éloigner d’elle/lui car je risque de manquer un moment d’affection, je ne sais jamais à quoi m’attendre ce qui me rend anxieux·se et en colère. Si j’arrive à amener mon parent à s’occuper de moi alors je pourrais recevoir son affection (Guedeney, Tereno, 2021).
Si enfants nous avons un comportement évitant à cause du rejet que nous avons vécu de manière répété quand nous demandions du réconfort, nous allons développer un attachement insécure évitant. Ce type d’attachement est facilité par un parent indisponible émotionnellement, qui a des comportements rejetant envers nous, qui ignore nos besoins ou y répond avec une forme d’indifférence ou de manière intrusive. Iel peut repousser nos tentatives de rapprochement dans les moments où nous sommes en détresse quand iel les estime injustifiées, et au contraire se comporter d’une manière sensible quand iel juge notre détresse appropriée.
En miroir en tant qu’enfant nous aurons tendance à nier nos propres besoins pour nous protéger, à éviter les interactions avec notre parent, à ne pas accepter d’être aidé·es. Nous pourrons nous sentir forcé·es à parvenir à une autonomie rapide, et être plus sociables avec des étranger·es qu’avec notre propre parent. Puisque nous nous attendrons à être repoussé·es ou rejeté·es par elle/lui dans nos moments de détresse, alors nous pourrons tenter de vivre sans le soutien des autres.
Nous pourrons donc développer des croyances telles que : mon parent a des comportements rejetant et punitif, si j’oublie mes besoins alors je ne serais ni blessé·e ni rejeté·e. Au contraire si je satisfais les besoins de mon parent alors je ne serais pas rejeté·e. En fait si j’oublie mes propres besoins et prend soin de ceux de mon parent alors je serais aimé·e. Je dois faire preuve de vigilance pour me protéger en permanence (Guedeney, Tereno, 2021).
Nous parlons d’attachement insécure désorganisé quand enfants nous rejetons notre parent ou nous efforçons de lui faire plaisir. Nous pouvons avoir des colères extrêmes puis solliciter son affection, nous montrer tour à tour vigilant·es à tout indice de violence et incapables de réagir. Cela peut être le cas lorsque mon parent me néglige gravement ou est violent·e avec moi, quand son comportement m’effraie plutôt que me réconforte, s’iel est évitant·e ou rejetant·e même dans des situations objectivement dangereuses. Lorsque mes stratégies échouent car mon parent est imprévisible, je me retrouve dans l'impuissance et je développe alors ces différentes stratégies qu'on dit désorganisées.
Si je vis ce type de relation je vais à mon tour osciller entre des stratégies d’évitement pour tenter de régler moi-même ma détresse, et d’ambivalence, c’est à dire résister à l’interaction avec elle/lui et en même temps rechercher une forme de proximité.
Avec ce type d’expérience je vais adopter des croyances telles que : je dois me protéger même si je ne sais pas comment m’y prendre, je dois créer mon propre monde, je ne sais pas comment faire pour qu’on répondre à mes besoins et j’en suis désespéré·e, mon parent me néglige ou m’agresse. (Guedeney, Tereno, 2021)
Heureusement rien n’est figé et il est possible de réparer notre qualité d’attachement en faisant l’expérience répétée d’autres manières de relationner aux autres que nous intériorisons peu à peu : c’est-ce qu’on appelle l’attachement sécure acquis. Lorsque nous grandissons, nos partenaires amoureux·ses ou nos ami·es proches après un certain temps peuvent devenir des figures d’attachement pour nous, et ce nouveau lien peut venir modifier nos modèles internes opérants. En psychothérapie également, notre thérapeute fera office de figure d’attachement transitoire. Par son comportement prévisible au fil des séances, nous nous sentirons écouté·es, reconnu·es dans notre individualité, et protégé·es puisque nous pourrons nous exprimer librement sans être jugé·es. La capacité de notre thérapeute à être accordé·e à nous est notamment un des piliers du travail en ICV (Intégration du Cycle de Vie) qui permet de nous donner les bases pour acquérir un attachement sécure et intégrer notre histoire de vie dans sa globalité (AFICV).
Bibliographie :
Smith, J., Steffan, A. J., & Mann, L. (2019). La régulation des émotions dans la famille: L'ICV auprès des parents, des enfants et des adolescents. Dunod.
Bowlby, J. (1969). Disruption of affectional bonds and its effects on behavior. Canada's mental health supplement.
Bowlby, J. (1979). The bowlby-ainsworth attachment theory. Behavioral and Brain Sciences, 2(4), 637-638.
Guedeney, A., Guedeney, N., & Tereno, S. (2021). L'attachement: approche clinique et thérapeutique. Elsevier Health Sciences.
Site de l'AFICV : Association Francophone d'Intégration du Cycle de Vie : https://aficv.com/
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