Pour comprendre un mot, il est toujours intéressant de se pencher sur son étymologie. En grec ancien "traumatismos" c'est l'acte de blesser et "trauma" la blessure.
Tout comme le traumatisme chirurgical qui désigne un choc mécanique exercé sur une partie du corps en y provoquant une blessure ou une contusion, le traumatisme psychique est tel un choc exercé sur le psychisme qui entraine des perturbations psychologiques de manières transitoires ou durables. Le psychisme est alors effracté par un débordement d'émotions massives. Ce choc arrive par un événement soudain qui confronte brutalement la personne à la mort, à une menace de mort ou de blessure, ainsi qu'aux violences sexuelles (Pedinielli, 2015).
Cette confrontation provoque un état de torpeur du psychisme qui se retrouve figé, immobilisé à l'instant traumatique. C'est pourquoi dans le cas des symptômes de répétition, la personne est sans cesse ramenée à la scène initiale. Le traumatisme peut être défini par la violence même de l’événement mais pas que ! Il se définit aussi par ses conséquences pathologiques. L’évènement déclenche des phénomènes douloureux qui sont en partie dus à lui-même, mais aussi au contexte et à la personnalité de l’individu. C’est à dire qu’un même événement n’aura pas le même impact en fonction de la personne concernée et de son histoire.
C’est à la psychiatre Judith Herman (1992) que l’on doit la classification du traumatisme en deux catégories :
Le traumatisme "simple" qui est induit par un événement unique, limité dans le temps, avec un début et une fin claire, comme un incendie par exemple. En bref, c’est un événement ponctuel dans la vie de la personne qui le vit.
Le traumatisme "complexe" quant à lui est une répétition de violences variées sur une longue période, comme dans le cas des violences intrafamiliales. Notamment lorsque la personne est assujettie à une autre ou à un groupe pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Lorsqu’elle est exposée longuement et de manière fréquente à des événements délétères.
Quand les trauma ont lieu dans l'enfance, le psychisme est en cours de construction. Cela peut donc venir modifier le développement affectif et cognitif. Plus le traumatisme est ancien et répété, plus il est susceptible d’imprimer des marques durables sur la personnalité et d’amener des comportements répétitifs empreints de souffrance.
Au début, les réactions sont identiques à celle d’un traumatisme simple mais peu à peu, certaines manifestations diminuent ou disparaissent alors que d’autres se maintiennent ou au contraire voient le jour, particulièrement des altérations du caractère avec la capacité à exprimer et à gérer ses émotions, les altérations de la relation à soi avec de la culpabilité, de la honte, une faible estime de soi ou de la dissociation, des altérations de la relation à autrui avec une difficulté à établir ou maintenir des relations de qualité, ce qui est un frein à l’établissement de relations intimes. Mais aussi on retrouve des altérations de la relation au monde avec un sentiment récurent de détachement, de perte de sens ou d’insécurité, également des altérations de la relation à la temporalité avec une difficulté à se projeter dans un avenir joyeux, ainsi que des troubles somatoformes avec entre autre des problèmes dermatologiques, respiratoires, digestifs, cardiaques ou menstruels (Josse, 2017).
Avoir un·e proche qui a vécu un traumatisme, ou être exposé·e de manière répétée à des situations ou récits difficiles pour un·e professionnel·le peut également causer un traumatisme. C’est-ce que l’on appelle le traumatisme vicariant, ou le traumatisme indirect. En étant en relation étroite avec une personne en détresse, famille, ami·es, collègues, bénévoles, personnel·le soignant·e, ou encore forces de l’ordre, sont confronté·es à des situations qui leur font éprouver des émotions intenses et peuvent à leur tour créer une grande souffrance (Josse, 2019).
Le trauma, est une blessure invisible, qui laisse des traces dans le psychisme. Et comme une cicatrice, il peut se rouvrir sous l'effet d'un autre événement douloureux, ou d'un anniversaire. Il peut aussi se transmettre de manière transgénérationnelle notamment lorsqu'il est secret ou n'est pas élaboré ni symbolisé. Il s’inscrit dans la mémoire du corps, comme une empreinte. Son souvenir est implicite, c’est à dire que la personne qui en souffre ne s’en souvient pas toujours de manière consciente ni ne le catégorise comme relevant du trauma. Mais le corps lui, porte sa mémoire, toujours active au niveau cellulaire.
Et oui, le traumatisme est encodé dans la mémoire corporelle ! C’est en fonction de l’environnement au sein duquel l’enfant grandit que le fonctionnement cérébral et le système somato-psychique se forment. En utilisant toutes ses ressources à disposition à ce moment-là, l’enfant met en place des systèmes de défense, c’est à dire certains modes de décharge des réseaux neuronaux. Cependant lorsqu’un certain type de réseau neuronal est mis en place durant l’enfance il perdure par la suite, même à l’âge adulte, qu’il soit fonctionnel ou non (Countanceau et Smith, 2011). Ce sont des souvenirs implicites, auquel la conscience n’a pas accès qui sont réactivés inconsciemment et qui dirigent ensuite les réactions de l’adulte de manière automatique. C’est comme une sorte de programmation biologique.
Pourtant, nul besoin de diaboliser ces mécanismes-là, à un moment donné l’enfant, maintenant adulte, en a eu besoin et c’était la meilleure façon qu’il avait d’y répondre à l’époque. Cependant, lorsque ces mécanismes ne sont plus optimaux au temps présent, il est possible et souhaitable de les modifier, de sortir des répétitions du passé qui enfermement dans la reproduction de patterns d’expériences douloureuses. Il s’agit dès lors de ne plus être ré-actif·ve mais de retrouver son libre arbitre et d’exprimer ses potentialités internes non explorées jusque présent.
Mais alors comment guérir de ces blessures intérieures ?
Il existe plusieurs chemins pour changer de paradigme, à son rythme, et aller vers une transformation intérieure. Chacun·e peut user de son inventivité, de ce qui l’appelle, éveil motivation et désir, avec l’aide de professionnel·les compétent·es et d’un entourage soutenant pour re-trouver sa manière créative d’être au monde, dans sa singularité.
La psychothérapie permet entre autre de mettre des mots, et donc du sens, sur les expériences afin de mieux se comprendre, mais également de restructurer le système corps-esprit. Il existe un nombre incalculable d’approches qui apportent toutes leur prisme de lecture et leur façon originale de travailler. L’important, au-delà de l’approche est la relation de confiance avec le ou la psychothérapeute. Pour cela suivez votre ressenti qui saura vous indiquer si telle personne ou telle autre vous convient pour partir en exploration de vous-même !
Avoir des expériences réparatrices, notamment relationnelles, montrent qu'un autre script est possible, et peu à peu cette nouvelle manière de relationner à soi, aux autres et au monde s’engramme et devient une nouvelle normalité.
Les pratiques qui permettent de reconnecter le corps et l’esprit, comme le yoga, la danse, ou le chant, le théâtre, le sport, la peinture, le bricolage ou la méditation. Elles aident à se plonger dans l'instant par la connexion corporelle, à calmer le système d’alarme du corps, elles apportent de la joie et peu à peu participent à séparer mémoire du passé et présent, à se réapproprier le corps par ses sensations (Van der Kolk, 2014).
Astrid Jullien
Psychologue Clinicienne et Psychothérapeute
Thérapeute PBQ
Consultations à Paris et en ligne
Bibliographie :
Coutanceau, R. & Smith, J. (2011). Violence et famille: Comprendre pour prévenir. Dunod.
Josse, É. (2017). Chapitre 21. Le traumatisme complexe. Dans : , C. Tarquinio, M. Brennsthul, H. Dellucci, M. Iracane-Coste, J. Rydberg, M. Silvestre & E. Zimmerman (Dir), Pratique de la psychothérapie EMDR.
Herman-Lewis, J. (1992). Trauma and recovery: The aftermath of violence-from domestic abuse to political terror. Basic Books.
Josse, É. (2019). Le traumatisme psychique chez l'adulte. De Boeck Supérieur.
Pedinielli, J., Mariage, A. (2015). Psychopathologie du traumatisme. Armand Colin.
Van der Kolk, B. (2014). The body keeps the score: Mind, brain and body in the transformation of trauma. penguin UK.
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